
Né à Dublin en 1945, Sean Scully, peintre de formation, se rattache au mouvement de l’expressionnisme abstrait qui tient la peinture pour intimement liée à la biographie de l’artiste, à son énergie intellectuelle et affective. « Si vous prenez Matisse, Mondrian, Rothko, alors vous avez mon travail », dit-il, rendant ainsi un sincère hommage à ces trois grands peintres envers lesquels il se sent une dette : dette envers Matisse pour la vitalité des couleurs, mais Matisse est le virtuose de l’arabesque. Envers Mondrian, à qui il emprunte le rythme vertical-horizontal, mais Mondrian est le maître de la stricte composition orthogonale et n’utilise que des couleurs primaires. Envers Rothko, dette la plus évidente sans doute, pour ses rectangles à contours estompés, ses plages de couleurs souvent disposées en trois bandes horizontales.
Si Scully juge les œuvres de Rothko « sévères et géométriques, mais habitées par un désespoir sensuel », cette remarque pourrait s’appliquer aux siennes. Nombre d’autres peintres suscitent son admiration, – des maîtres anciens comme Masaccio jusqu’aux Fauves, en particulier Derain, et d’illustres contemporains tels Jackson Pollock, Jasper Johns ou encore le Français Morellet pour son style dépouillé et ses compositions élémentaires, – mais on ne peut dénier au travail de Sean Scully une forte personnalité.
Chaque artiste élabore son vocabulaire graphique, son style propre. Scully a créé un langage abstrait fondé sur la bande, la rayure. En cela il n’est pas le premier, à la suite de Mondrian, de Jasper Johns et d’autres. Jean Hélion lui-même s’y essaya, Frank Stella également. Au moyen de cette forme simple, qui peut être ennuyeuse si elle est uniforme, répétitive et statique, Scully réussit à créer des images étonnamment dynamiques et d’une grande force émotionnelle.
Dans les années 1970, il commence à superposer et entremêler des rayures régulièrement espacées pour former des treillis colorés, peints à l’acrylique, évoquant l’idée de cage. Puis il se met à peindre uniquement des bandes horizontales, dans une palette à dominantes nocturnes. Les œuvres exécutées entre 1975 et 1980 correspondent à l’esthétique minimaliste de l’époque, déjà déclinante. Il juxtapose rayures horizontales et verticales. Son grand polyptyque Backs and Fronts (1981), qu’il considère comme un manifeste, ne comporte pas moins de dix panneaux de format différent, et réfute les notions traditionnelles d’agencement ou d’unité pour frayer la voie à une liberté d’expression, à une souplesse nouvelles.
Désormais, il ne peindra plus de la même manière. Il s’agit, pour lui, d’animer, d’humaniser ce qu’il appelle une espèce d’apathie de l’abstraction, de lui redonner corps et sensualité, en l’ancrant dans le réel.
Il peint à main levée et abandonne l’acrylique pour l’huile. Sa peinture prend du corps, sa palette s’intensifie. Outre la richesse des teintes, il introduit dans son travail le dessin, les proportions, les superpositions, les dégradés. Il découvre la gestuelle picturale, les coups de pinceaux énergiques dont la peinture garde la trace, dont les poils tracent des sillons dans la pâte humide. Sans cesse, il joue sur l’opposition entre transparence et empâtement, fluidité et matière, densité et limpidité. Sa peinture acquiert quelque chose d’émotif, de suggestif, de sensuel et de déroutant. Elle rayonne de son énergie vitale, avec une sorte de violence contenue. L’artiste ne peint plus seulement avec sa tête, mais avec son corps, le geste emportant tout son être. En un certain sens, sa démarche est proche de celle de Jackson Pollock. Scully a d’ailleurs défini sa peinture comme une réconciliation entre la liberté de Pollock et la discipline de Mondrian.
Archives :
Avril 2012 – Niki de Saint-Phalle
Mai 2013 – Sol LeWitt
Je découvre votre article sur Sean Scully , très bien décrit et accessible. Pourrais-je recevoir régulièrement votre actualité ?
Bonne journée .
Françoise Mantion